Donner la parole
Les t�moignages de malades, proches, b�n�voles et soignants sont pr�cieux. Ils nous �clairent sur le malade face � la maladie, l'�nergie vitale qu'elle n�cessite mais aussi celle qu'elle procure pour mener le combat au quotidien et donner sens � cette vie si diff�rente.
{ Aux soignants et professionnels
Jos� Estruga, infirmier � domicile
- Jos� ESTRUGA
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Jos� Estruga, vous �tes infirmier � domicile (dans un village�. ) Vous avez suivi pendant un an et demi une personne atteinte de SLA. Etait-ce votre premi�re rencontre avec cette maladie ?
J.E. Oui. J'ai eu des patients atteints d'autres pathologies graves et m�mes mortelles. Mais je n'avais jamais eu � m'occuper d'un patient atteint de SLA.
En quoi vous para�t-elle poser des probl�mes sp�cifiques ?
J.E. Pour un infirmier � domicile, la SLA est une maladie particuli�re en ce sens qu'il doit en premier lieu ma�triser toute une technicit� sp�cifique, condition absolue pour que le patient se sente en confiance et non pas angoiss� dans le doute. Sa comp�tence, sa r�activit� face � des difficult�s impr�vues (surtout, en l�occurrence, dans le cadre d'une ventilation non invasive, par exemple, aux probl�mes parfois difficiles), doivent rassurer son patient et l'apaiser. Il est l� pour faire en sorte que le malade porte le moins d'inqui�tudes possible, lui qui en a d�j� tellement. C'est � cette condition de ma�trise et de r�activit� qu'il pourra s'occuper d'autres choses avec son malade. Il faut savoir aussi s'appuyer sur les r�seaux, qui souvent trouvent des solutions tant mat�rielles qu'humaines, avec une approche pluridisciplinaire.
Quelles sont ces autres choses ?
J.E.� Dans cette maladie, le patient se trouve progressivement, et parfois tr�s vite, priv� non seulement de la motricit�, mais de tout ce qui l'entoure. Ce sont des ruptures sur le plan professionnel, social, avec l'environnement, des changements envers l'entourage, toutes sortes de difficult�s mat�rielles et physiques. Sur le plan ext�rieur, il faut certes s'efforcer de rem�dier � la perte d'autonomie motrice. Mais face � ces pertes, l'id�e est surtout pour le soignant qui suit ce malade, de chercher des leviers, des moteurs, qui vont l'aider � sentir qu'il peut faire des choses, et lui permettre de les r�aliser. Dans ce processus, l'infirmier doit s'effacer, �carter ses propres souhaits, laisser le champ libre pour que puissent surgir et s'exprimer les d�sirs du malade. C'est cela qui lui permettra de vivre le mieux possible, afin que la maladie ne se r�sume pas � l'avanc�e inexorable de handicaps multiples qui isolent et emprisonnent, mais que, d'une mani�re qui peut para�tre de prime abord inattendue ou surprenante, elle permette aussi de s'ouvrir vers des opportunit�s nouvelles.
Vous voulez dire qu'il y a toute une vie � d�velopper ?
J.E.� Oui, il y a un travail important que l'on peut faire : retrouver ce qui est essentiel pour soi, quitte � r�sister aux id�es des autres, aux pressions, � l'agitation. Pour le dire d'une mani�re un peu provocante, moins on peut faire de choses, plus il faut travailler � d�velopper cette capacit� � avoir une libert� int�rieure. C'est un peu �trange, cette notion contradictoire entre la perte d'autonomie et la capacit� de se donner des libert�s. La trop grande bienveillance de l'entourage voulant � tout pris que le patient fasse ceci ou cela, qu'il adh�re � toutes les propositions et sollicitations, ce qui est une forme de mobilit�, n'engage pas le patient � accepter son devenir, qui est l'immobilit�.
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